L'histoire des collections

Le Musée d'ethnographie de Genève est né avec le 20e siècle. Ses collections ont en partie une histoire plus longue, remontant deux siècles plus tôt pour les plus anciennes d'entre elles. Les objets réunis dans ce musée ne nous parlent pas seulement de populations plus ou moins lointaines, mais aussi de notre propre histoire et de notre goût pour les objets des Autres.

1702 – Le cabinet de curiosités de la Bibliothèque publique

La Bibliothèque du Collège (dit aujourd'hui collège Calvin) devient publique en 1702. Vouée à la formation intellectuelle des élites genevoises et visitée par les voyageurs, elle rassemble dans un cabinet de curiosités les « merveilles » de l'art et de la nature qui lui sont offertes. Ces objets sont les premiers entrés dans les collections publiques genevoises. Ceux qui ont été conservés jusqu'à nos jours sont répartis par genre dans les musées actuels.

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Vue intérieure de la Bibliothèque publique

Vue intérieure de la Bibliothèque publique telle qu'elle était avant son déménagement dans les nouveaux locaux de la Promenade des Bastions, en 1872. On voit les dernières traces de l'ancien cabinet de curiosités : un tapis turc, un instrument scientifique, et surtout des tableaux et des bustes, la Bibliothèque ayant conservé sa galerie de portraits. Aquarelle et gouache de Jean-Jacques Dériaz (1814- 1890)

1818 - Le Musée académique

Installé à la Grand-Rue dans le bel hôtel particulier aujourd'hui occupé par la Société de Lecture, ce Musée est l'œuvre des patriciens scientifiques genevois qui enseignaient à l'Académie (aujourd'hui on dirait l'Université). Il hérite des objets du cabinet de curiosités de la Bibliothèque qui répondent à ses intérêts : les sciences naturelles, l'archéologie, l'histoire locale, la « statistique (c'est-à-dire l'étude) des peuples non civilisés ». A partir de 1863, il est animé par Hippolite Jean Gosse. Au milieu de nombreuses autres activités, Gosse va réorganiser les collections et renforcer l'intérêt pour ce que l'on commence à appeler l'ethnographie.

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Photographie ancienne du 11 Grand-Rue

Photographie ancienne du 11 Grand-Rue où se trouvait jadis le Musée académique. Après son départ, les locaux furent un temps occupés par le « Musée Fol », avant d'accueillir la Société de Lecture. Les collections réunies par Walther Fol et offertes à la Ville de Genève en 1872 n'ont pratiquement pas concerné le MEG.

1870 – Le Musée historique genevois, dit aussi Salle des armures

Créé par le don de l'Etat à la Ville de Genève de la collection des anciennes armures, ce musée est installé dans « l'Ancien Arsenal », c'est-à-dire les actuelles Archives d'Etat de Genève. H.J. Gosse en est le conservateur. A la suite d'un agrandissement de ses locaux, le musée élargit ses collections au-delà de la Suisse et acquiert régulièrement des armes et des armures exotiques. 132 pièces viendront nourrir le MEG en 1901.

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La Salle des armures

La Salle des armures à l'époque de l'Exposition nationale suisse de 1896. On reconnaît, à droite, un groupe de quatre armures japonaises aujourd'hui conservées au MEG. Photo J. Lacroix publiée dans le Journal Officiel illustré de l'Exposition Nationale Suisse, Genève 1896

1872 – Le Musée archéologique

La construction de la nouvelle Université dans la Promenade des Bastions va permettre la création de deux musées issus du Musée académique : le Musée d'histoire naturelle, qui s'installe dans l'aile Jura, et le Musée archéologique, qui occupe le sous-sol de la nouvelle Bibliothèque publique. H.J. Gosse continue à être le conservateur du Musée archéologique. Le MEG sera directement issu de ce musée en 1901.

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Vue de l'Université de Genève

Vue de l'Université de Genève depuis la Promenade des Bastions. A gauche, l'aile dans laquelle le Musée archéologique est installé en 1872. Photo John Jullien

1876 – Le Musée des missions

Fondée en 1821, la Société des missions évangéliques de Genève finance principalement les missions organisées par ses homologues de Bâle et de Paris. En 1876, elle crée, dans le bâtiment aujourd'hui disparu de la « Salle de la Réformation », en face du Jardin anglais, un musée dont les collections sont constituées par les envois des missionnaires œuvrant de par le monde. Grâce à l'entregent d'Eugène Pittard, les collections de ce musée seront données à la Ville en 1901, au moment de la création du MEG.

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La Salle de la Réformation

La Salle de la Réformation est le bâtiment bas à gauche du grand hôtel. Le Musée des missions n'y occupait qu'une petite salle à l'étage, le rez-de-chaussée servant aux assemblées de la Société des missions évangéliques. Chromolithographie de Jules Linder, après 1889

1884 – Le Musée Ariana

Créé par l'amateur d'art genevois Gustave Revilliod, le Musée Ariana est un palais dédié au Arts décoratifs, qui fait la part belle au goût exotique de son temps. Le musée et ses collections sont légués à la Ville de Genève en 1890. Une réorganisation effectuée à la fin des années 1930 provoquera le transfert de nombreux objets vers le MEG.

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La Salle japonaise

La Salle japonaise du Musée Ariana vers 1900

1885 – Le Musée des arts décoratifs

Décidé en 1876, destiné à l'ensemble des branches des Arts décoratifs, ce musée attendra près de dix ans sa création au sein de l'Ecole d'horlogerie. Le mouvement de renouveau esthétique par des motifs et des techniques d'inspiration exotique y acheminera des objets plus tard transmis au MEG.

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L'Ecole d'horlogerie à la rue Necker

L'Ecole d'horlogerie à la rue Necker, où le Musée des arts décoratifs fut installé en 1885, dans deux grandes salles du premier étage.

1901 – Le Musée ethnographique de Mon-Repos

Au tournant du siècle, l'ensemble des collections publiques genevoises est réorganisé dans la perspective de la création du Musée d'art et d'histoire, inauguré en 1910. C'est à cette occasion que le MEG, appelé à l'époque Musée ethnographique, prend forme.

Séparées des collections archéologiques, enrichies de dons de particuliers et du Musée des missions, les collections ethnographiques de la Ville de Genève sont installées en 1901 dans la Villa Plantamour du parc Mon-Repos, au bord du lac Léman.

Dans un premier temps, la villa sert d'annexe aux musées municipaux et l'ethnographie partage d'abord les locaux avec des tableaux. L'installation initiale est néanmoins conçue avec soin comme une invitation au voyage encore fortement imprégnée d'exotisme.

En 1910, l'espace entier revient à l'ethnographie. Jusqu'alors simple membre de la commission du Musée archéologique, Eugène Pittard devient conservateur, et obtiendra le titre de directeur en 1937. Il va insuffler à l'institution des ambitions à la fois plus scientifiques et plus pédagogiques, répondant à son propre idéal humaniste.

Dans l'Entre-deux-guerres, la proximité avec le siège de la Société des Nations, installé au Palais Wilson, et l'engagement personnel de Pittard favoriseront les liens entre les deux institutions et le rayonnement du jeune musée.

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Le Musée de Mon Repos

Le Musée de Mon Repos vers 1905

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Entrée du Musée de Mon Repos

Entrée du Musée de Mon Repos en 1930. On reconnaît le cabinet japonais ETHAS 021380. Photo Molly

1941 - Le Musée d'ethnographie au Boulevard Carl-Vogt

Le dynamisme d'Eugène Pittard vaut aux collections dont il s'occupe un accroissement rapide. L'organisation d'expositions temporaires rend plus criant encore le manque d'espace. A force d'insistance, Pittard obtient le déménagement de l'institution dans un bâtiment plus grand, sinon plus adapté, puisqu'il s'agit d'une ancienne école. Pittard saura néanmoins y pratiquer une muséographie qu'il cherchera à rendre toujours plus pédagogique. En 1952, le long règne de ce directeur légendaire, alors âgé de 85 ans, prendra fin, et sa succession reviendra à son ancienne assistante, Marguerite Löbsiger-Dellenbach.

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Vitrine de la salle précolombienne

Vitrine de la salle précolombienne créée en 1945 au Musée d'ethnographie installé depuis peu au boulevard Carl-Vogt

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Eugène Pittard directeur du Musée d'ethnographie

Eugène Pittard, alors directeur du Musée d'ethnographie, et son assistante Marguerite Lobsiger-Dellenbach examinant des objets précolombiens, vers 1945

1976 - L'annexe de Conches

Acquise par la Ville de Genève en 1972, inaugurée quatre ans plus tard comme annexe du Musée d'ethnographie, la villa sise au chemin Calandrini dans la localité de Conches, aux portes de Genève, a été durant trente-sept ans le siège d'expositions temporaires principalement consacrées au domaine européen, autour de la collection Georges Amoudruz. Le MEG Conches a fermé ses portes en 2013.

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L'annexe de Conches

L'annexe de Conches

2014 - Un nouveau bâtiment pour le MEG

Après de nombreux rêves de construire ailleurs un musée plus grand, Genève a finalement décidé d'offrir à ses collections tricentenaires un bâtiment moderne édifié au boulevard Carl-Vogt. La dimension patrimoniale de ces collections s'est imposée. Témoignant de traditions toujours vivantes ou d'états de sociétés révolus, les objets sont devenus des archives d'une diversité humaine elle-même prise dans le mouvement de l'histoire.

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Le nouveau musée d'ethnographie

Le nouveau musée d'ethnographie