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Le Gabon de Fernand Grébert

Le Gabon de Fernand Grébert 1913-1932

Genève: Musée d'ethnographie, coll. Sources et témoignages No 6 / Éditions D, 2003, 360 p.
Avec 60 pages d'introductions de Claude Savary et Louis Perrois et 300 planches couleur, relié pleine toile avec jaquette couleur
ISBN 2-88457-016-0
Prix: 87 CHF / 58 Euros

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Le Musée d'ethnographie de Genève et les Éditions D publient les «Albums Africains» rédigés par Fernand Grébert au Gabon entre 1913 et 1932. Il s'agit d'un des plus importants manuscrits jamais écrit sur cette partie de l'Afrique: un travail scientifique et artistique unique de 360 pages illustré de plus de 1500 dessins originaux à la gouache, à la plume et au crayon, traitant de manière approfondie de la population, de la culture, de la flore et de la faune du pays «pahouin». Deux textes complètent l'édition des magnifiques planches couleur: d'une part, une introduction de Claude Savary, ancien conservateur Afrique au MEG, qui retrace le parcours de Fernand Grébert au Gabon et examine ses écrits et le catalogue d'objets gabonais dont il a enrichi notre Musée, et d'autre part, un appareil critique sur les auteurs missionnaires rédigé par Louis Perrois, ethnologue africaniste qui replace le travail de Grébert dans le contexte de l'époque coloniale et a généreusement prêté son expertise pour commenter en marge des 300 planches, les dessins et annotations du pasteur Grébert.

Les albums de dessins d'un missionnaire ethnographe

D'une famille originaire de Beaune établie en Alsace, Fernand Grébert (1886-1956) a été formé à l'école de théologie protestante des Batignolles. À 27 ans, il s'embarque pour les missions africaines et rejoint d'abord la célèbre mission de Lambaréné où opère Albert Schweitzer. Après quelques mois d'acclimatation auprès du pasteur Rambaud à Samkita, sur l'Ogooué, Grébert se voit attribuer la mission de Talagouga, sur une île en amont du fleuve, où il passera une vingtaine d'années, forcé ensuite de regagner l'Europe car sa santé s'affaiblit.

En parallèle à ses tâches pastorales – qui comprennent la construction de l'église, de l'école et des bâtiments missionnaires – Grébert, qui a appris la langue pahouine ou fang, s'intéresse de très près au mode de vie de ses ouailles qui est en plein changement avec l'arrivée des entreprises européennes de coupes de bois et de plantations. Très vite, il montre son intérêt pour tous les aspects de leur vie quotidienne et commence à croquer ce qui l'entoure dans ses fameux albums, au gré de ses tournées, des rencontres et des opportunités. Non seulement, il dessine, mais très vite il a à cœur de récupérer un grand nombre d'objets dont il enrichira lors de ses vacances, tous les 3 ou 4 ans, les Musées d'ethnographie de Genève et de Neuchâtel. Pourquoi en Suisse? Tout simplement parce que lors de son premier congé, en 1917, il a épousé une jeune fille d'origine vaudoise résidant à Genève: Alice Mégroz, qui lui donnera quatre enfants nés en Afrique où le couple s'embarque à peine le mariage célébré. Désormais, leur port d'attache sera Lancy près de Genève où ils s'établiront définitivement à leur retraite forcée. Trois enfants ont survécu aux dures conditions de leur enfance au Gabon: Hélène, Nelly et Maurice. Nous les remercions chaleureusement d'avoir confié au Musée d'ethnographie les précieux albums de dessins de leur père. Nous avons une pensée particulière pour le pasteur Maurice Grébert qui est décédé avant d'avoir vu l'aboutissement du projet de publication auquel il tenait tant.

Fernand Grébert a eu une longue relation avec le Musée d'ethnographie. À chaque retour, il propose des objets au Musée; environ 300 objets sont entrés dans nos collections entre 1917 et 1951. Commençant par des «fétiches» et des «boîtes de sorcellerie» pahouines (remises au pasteur par des chefs de clan convertis), Grébert a collecté tous les objets de la vie quotidienne, ustensiles domestiques, récipients, mobilier. On lui doit entre autres un outillage complet de forgeron, de beaux instruments de musique et une collection d'armes de chasse et de pêche des années 20 depuis longtemps disparus au Gabon. De la même façon, il a fourni, parfois à la demande expresse d'Eugène Pittard, le directeur du Musée, qui préfacera en 1935 son livre Hygiène et conseils divers pour les Africains de la zone tropicale (avec des moyens africains): « …des tabourets, des cannes de chef et autres objets sculptés, à condition qu'ils soient bellement décorés…mais ici il faut insister pour obtenir des objets anciens en dehors de l'influence européenne». Et plus loin dans cette lettre à M. le Missionnaire F. Grébert, Mission protestante française à Talagouga, du 22 février 1930, Pittard continue: «Des masques. Permettez-moi d'insister sur ce chapitre. Masques galoa s'attachant sur le visage, masques pahouins formant heaume. J'aimerais aussi avoir tous les accessoires de danse. Mais la figure que vous donnez, p. 92, me donne une furieuse envie d'avoir de ces grands masques, les plus ornés possible, et surmontés par des sculptures.»

Il faut dire que dès 1919, F. Grébert a cherché à faire partager sa découverte du Gabon à ses contemporains européens. Ce n'est finalement qu'en 1922 que son livre Au Gabon sera publié par la Société des Missions évangéliques de Paris. Dans ce livre déjà apparaît un certain nombre de croquis des albums que nous reproduisons aujourd'hui intégralement et en couleur. Dans le même esprit, Grébert a régulièrement donné des conférences au Musée et monté de petites expositions missionnaires dans les paroisses protestantes de la région. Puis paraît en 1940, en six exemplaires, sa Monographie ethnographique des tribus Fang également préfacée par Pittard, avec 36 planches de dessins originaux au crayon de couleur systématiquement ordonnés. Finalement, Le Gabon de Fernand Grébert que nous publions aujourd'hui, qui est en quelque sorte la version dessinée complète des différents ouvrages de Grébert, restera sans doute une référence pour la connaissance ethnographique du Gabon du début du vingtième siècle et comme le dit Louis Perrois «ce manuscrit est pour nous aujourd'hui, scientifiques ou amateurs d'art, un vrai trésor patrimonial ressuscitant la richesse des traditions anciennes des peuples de l'Ogooué».